Qui sont-ils, ces hommes et femmes qui portent l'ombre au creux des voûtes ?
Les modillons sont les parias, les marginaux des églises. Des personnages sculptés dans les creux, souvent détachés de toute symbolique religieuse. Comme les visages sur les immeubles dans nos rues, comme les cariatides, on ne sait pas bien pourquoi ils sont là, si ce n’est la volonté de figurer le corps dans l’espace public.
Nulle part je n'ai trouvé d'affirmation sur les raisons de ces sculptures. Généralement, dans les lieux de culte toute œuvre est l’illustration de textes sacrés. Les modillons, eux, sont provocateurs, drôles, surprenants, et païens.
Comme les « Dites Cariatides » d’Agnès Varda, qui vont toujours par paire mais ne sont jamais identiques, les modillons sont toujours en bande et pourtant tous uniques. Ensemble, ils dialoguent, il inventent leur propre histoire, un récit en fresque qu'on découvre en observant les ombres. Qu'est-ce qui a pu se perdre dans l'histoire pour que personne ne sache le nom de ses hommes et femmes qui portent nos murs ? Les formes humaines sont rémanentes. Bien qu'on en ait oublié l'origine, la présence de l'image du corps est comme essentielle. Sans toujours de raison, si ce n'est inconsciente, du besoin de protection, de projection peut-être ?
_Un pied chaussé rit de l'âne qui vole les vivres. Pendant que deux amoureux ignorent les vices du voyeur à leur droite, le fou met l’orteil à sa bouche à l’abri des regards sous les feuilles du chapiteau.